Les chemins de garance
Résumé
1829 Le mistral, soufflant six jours et six nuits, avait ployé les arbres, arraché la toiture de la grange et cantonné la vieille Julia au coin de son feu, à égrener son chapelet. Le ciel offrait désormais un bleu de vitrail. Pas un seul nuage ne venait en ternir l'éclat. En revanche, la froidure n'avait point faibli. L'hiver était rigoureux, Nine l'avait annoncé depuis l'automne précédent et, malgré l'épaisseur des murs, on souffrait du froid au mas de la Buissonne. Implantée sur une ancienne villa romaine, la ferme comprenait un mas en L, ceint de dépendances. Augustin Vidal, son propriétaire, était particulièrement fier de rappeler que la Buissonne appartenait à sa famille depuis 1730. Près de cent ans, durant lesquels les Vidal avaient été «maîtres chez eux», grâce à l'enrichissement d'un lointain aïeul aux îles. Celui-ci, Joseph Vidal, n'avait pas oublié les règles de construction en Provence. Sa maison était orientée nord et sud, avec un léger détour du chemin d'accès vers l'est, afin que la façade du midi soit à l'abri du mistral et protégée des pluies les plus fortes. Le mas, d'apparence solide, en chaux et sable, avait pour seuls ornements les portes et les fenêtres entourées de pierres de taille. On y travaillait dur, comme l'attestaient les nombreuses dépendances s'ordonnant tout autour de la maison. Le cellier, l'écurie, les greniers et la bergerie évoquaient une ferme prospère. Pourtant, le maître de la Buissonne se plaignait régulièrement de manquer d'argent. C'était un homme trapu, au visage mangé par une barbe piquetée de gris. Il ne quittait pas son chapeau cabossé, qui faisait peur à sa petite-fille lorsqu'elle était enfant. Chaque fois qu'il entendait hurler Camille, Vidal rabattait son couvre-chef sur son visage, comme s'il avait refusé de croiser le regard de la petite.
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Littérature françaiseCalmann-Lévy6 Points -
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