Les mots et moi
Résumé
Les mots nous transportent, plutôt que nous les transportons. Ils nous réveillent, nous intriguent, nous aiguillonnent, nous provoquent, nous incitent souvent, mais pas toujours, au combat, nous sauvent en tout cas de la défaite et nous empêchent de nous satisfaire de n'importe quelle victoire. Ce sont, à cet égard comme à d'autres, de très utiles emmerdeurs. Car, dans l'empire sans frontières des mots de toutes les langues, aucune avancée, aucune victoire, aucune conquête, aucune liberté inventée ou réinventée, n'est définitive. C'est pourquoi aucun livre, aussi génial soit-il par son nouvel agencement des mots, ne peut prétendre, ni à la vérité absolue, ni à l'éternité. Et c'est aussi pourquoi, on l'oublie bizarrement, les livres n'ont cessé, ne cessent et ne cesseront jamais de se multiplier, comme l'humanité elle-même. L'incomplétude des mots de chacun est la force potentielle, le levier des autres. Les mots de Rimbaud et ceux de Ducasse provoquent Mallarmé, Apollinaire, Breton, Michaux, mais les mots de Breton, de Michaux, sans parler de ceux de toutes les langues de James Joyce, provoquent les suivants, dont mes propres mots font partie. Alain Jouffroy
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